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Les escales à Pomègues de l'empereur Charles Quint

 

Karl V. (Maison de Habsbourg), en français Charles Quint, né le 24 février 1500 à Gand (comté de Flandre), fils de Philipp I. von Kastilien (Maison de Habsburg), dit der Schöne (Philippe le Beau) et de Juana I de Castilla dite Juana la Loca (Jeanne la Folle), héritier par son père des possessions de la maison de Habsbourg (royaume de Hongrie, royaume de Bohême, archiduché d'Autriche, duché de Bourgogne, etc.), des dix-sept provinces des Pays-Bas et de la Franche-Comté, par sa mère des royaumes de Castille et d'Aragon et de l'empire colonial espagnol, ainsi que du royaume de Naples, élu empereur d'Allemagne en 1519 jusqu’en mars 1558, est le monarque le plus puissant de la première moitié du XVIe siècle. Il meurt le 21 septembre 1558 après une douloureuse agonie au monastère de Yuste (Espagne). Son frère Ferdinand I. (1503-1564) lui avait succédé après avoir été élu empereur le 12 mars 1558.

L'essentiel de l'histoire impériale de Charles Quint est marqué par la rivalité avec le roi de France François Ier, son beau-frère. Les deux souverains sont habités par les revendications de leurs prédécesseurs. Car, le royaume de France est encerclé par les possessions de Charles Quint et du Saint Empire romain.

Charles Quint en Provence

La Provence n’a pas été épargnée. Par deux fois, l'armée impériale fait le siège de Marseille :

  • En 1524, sous le commandement du connétable de Bourbon, elle connait un échec. François Ier prend la tête d'une contre-attaque mais se voit sévèrement battu à Pavie en 1525. Lors de la bataille il est fait prisonnier ; Charles Quint retient le roi de France à Madrid pendant plus d'un an, jusqu'à la conclusion du traité de Madrid.

  • En 1536, le marquis de Saluces trahit le roi de France en livrant le Piémont aux armées de Charles Quint. En ripostant à l’occupation française de la Savoie, l’empereur décide d’envahir la Provence, peut-être avec l’arrière pensée de la ramener au sein du Saint Empire dont elle a fait partie de 1032 à 1480. Mais il a du battre en retraite et le siège de Marseille fut à nouveau un échec suite à la famine et aux maladies qui décimèrent la moitié des soldats, et l'armée française qui se rassemblait à Avignon. La Trêve de Nice signée le 18 juin 1538 mit fin aux hostilités : dès le 9 mai 1538, la flotte (génoise) de Charles Quint mouilla dans la rade de Villefranche/mer, dont les habitants assistèrent à l'arrivée dans leur port de 28 galères garnies d'oriflammes.

Les îles françaises de la Méditerranée (îles de Lérins, îles d’Hyères, îles du Frioul devant Marseille) ont souvent été le lieu d’escale des flottes impériales et de l’empereur lui-même. En temps de paix, l’empereur fait escale sur les îles en vue d’y recevoir des émissaires du roi de France et d’y attendre l’arrivée des galères françaises qui doivent lui faire une escorte d’honneur. Il y reçoit excellent accueil. Cependant, en temps de guerre, les galères impériales ne se font pas faute de faire escale dans ces mêmes îles : escales clandestines, imposées par l’inclémence des vents ou la santé de l’empereur, ou encore par la nécessité de se réapprovisionner ; les petites criques de ces îles, du côté du large, offrent aussi une protection : les galères sont dissimulées à la vue des vigies et échappent aussi plus facilement aux flottes royales qui, le plus souvent, croisent entre les îles et la terre ferme (Merlin-Chazelas, 2008).

  • En Méditerranée, l'année 1528 marque une rupture diplomatique fondamentale dans l'équilibre des forces : Andréa Doria, commandant des flottes génoises, abandonnant François Ier, fait passer Gênes et toute sa puissance navale dans le camp de Charles Quint.
  • En 1529, à la fin de juillet, la flotte impériale qui comptait vingt-sept galères et quatre-vingt-neuf nefs, passait au large des îles d’Hyères. Les vaisseaux ne s’arrêtèrent pas et continuèrent leur route avec deux galères, mais les vingt-cinq autres galères prirent terre : l’empereur, qui avait le mal de mer, n’avait rien pu manger depuis Barcelone et séjourna quelques jours aux îles pour s’en remettre avant de poursuivre jusqu’à Villefranche-sur-mer.
  • En 1536, lors de sa retraite assez précipitée, le mauvais temps le conduisit aux îles d’Hyères où, malade, il dut séjourner une quinzaine au moins.
  • En 1533, le 13 avril, Charles Quint aborda aux îles de Marseille avec trente-quatre galères, et trois brigantins ; les Marseillais lui offrent quelques tonneaux de vin excellent.
  •  En 1538, le 3 mai, l’empereur débarqua aux îles de Marseille pour se ravitailler et, sur l’ordre du roi de France, on lui a fourni ce dont il avait besoin. Il écrivit une lettre à l’impératrice, datée « devant Pomègues » le 4 mai 1538, où il lui racontait ce passage, et une autre sur le même sujet à son ambassadeur en France. Charles Quint, avec la flotte génoise d'Andrea Doria, se rendait à Villefrance pour signer la Trêve de Nice. Au retour, en se rendant à l’entrevue avec le roi de France François Ier à Aigues-Mortes (initialement prévue à Pomègues), après une escale suite au mauvais temps à l’ile Bagaud (à l’W de Port-Cros, Iles d’Hyères), sa flotte fit, le 13 juillet 1538, un arrêt à Pomègues, arrivées le matin, accueillies par des salves de canon de tous les forts de Marseille en l’honneur de l’empereur, et elle repartit le soir pour Aigues-Mortes.

Carte de l'archipel du Frioul avec les îles Ratonneau, Château d'If et Pomègues - au XVIe siècle avec les noms en usage à l'époque et leurs forts. La flèche rouge indique le port de Pomègues.


Réferences

Bourrily V.-L. (1918). Charles-Quint en Provence (1536). Revue historique, 127 (2), 209-280.

Cirodde A. (1871). Chroniques de Provence - Charles Quint en Provence (1536). Courrier de Cannes, daté du 14 juin 1871.

D’Amico J. C. & A. Danet (2022). Charles Quint : Un rêve impérial pour l'Europe. Ed. Perrin, Paris, 763 p.

Merlin-Chazelas A. (2008). Charles Quint aux îles françaises de la Méditerranée. In : Emig C.C., Villain-Gandossi C. & P. Geistdoerfer (eds) (2003).  La Méditerranée autour de ses îles, 128e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Bastia, 2003. Éditions CTHS, Paris, édition électronique, p. 143-148.

Valbelle H. de (1501-1600). Histoire journalière d'Honoré de Valbelle. Journal manuscrit, 231 feuillets.

Vandenesse J. de (1874). Itinéraire de Charles Quint de 1506 à 1551. Journal des voyages de Charles Quint de 1514 à 1551. In : Collection des voyages des souverains des Pays-Bas, Gachard, Bruxelles, tome 2, 600 p.

Et plus sur les îles du Frioul...

Emig C. C., Villain-Gandossi C. & P. Geistdoerfer (Dir.) (2008). La Méditerranée autour de ses îles. Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques (version électronique), 312 p. Éditions CTHS, Paris. ou pdf


Au Moyen âge, la galère (du grec galea) est très utilisée en mer Méditerranée, tant comme navire de guerre que pour transporter des marchandises. Au XVIe siècle, elle était longue, étroite, d'un faible tirant d'eau, avec deux ou trois mâts à antennes, gréés en voiles latines, et avec un rang de rameurs, jusqu’à 200 selon la taille de la galère.

Ci-dessous, deux galères du XVIe s. - celle de droite est une maquette au Musée de la Marine à Toulon