Osthaim, de l'origine toponymique d'Ostheim
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par Christian C. Emig Dès la Protohistoire, la présence humaine est exclusivement marquée par la découverte d'une hache polie en jadéitite, datée du Néolithique. Puis, du Bronze moyen jusqu'à La Tène (qui marque l'apogée de la civilisation celtique - jusque vers 25 avant J. C., avant l’occupation des Romains), il y a trace d'une occupation avec des extractions de loess et un petit habitat (Logel, 2013) ; elle correspond à une présence celtique en Alsace. C’est dans une donation datée du 18-19 juin 785 en faveur de l’abbaye de Fulda (situé en Hesse près de Cassel, et fondé en 744), qu’Ostheim est cité pour la première fois sous OSTHAIM, donation qui concerne aussi Choneshaim (devenu Künheim) et Rigoltesberg (près d’Ingersheim). Ces deux dernières localités ont été attribués de façon erronée à d'autres lieux par quelques auteurs (voir Stoffel, 1868). Le texte (en latin facsimilé : Fig. 1, 2) de cette donation a été publié par Schannat (1724) et Grandidier (1787). La transcription correcte du lieu, devenu Ostheim dans les années 800 (Schannat, 1724, p. 420) (Fig. 3), n’est pas Osthain comme l’indique par erreur quelques auteurs, mais bien Osthaim (Schannat, 1724, p. 38-39 ; Grandidier, 1787, p. XLIII ; Stengel, 1956) : cela n’est pas sans importance toponymique car l’étymologie des ces deux mots est différente. Selon l’explication fournie par Bullet (1753), Osthaim a une origine celtique (Fig. 4) : ost signifiant au bord d’une rivière et haim (ou heim) la maison ce qui entraîna le changement ultérieur en Ostheim (Fig. 3). La rivière est la Fecht dont le nom est aussi d’origine celtique (Fig. 4). A partir VIIe-Ve siècle avant J. C., la présence des Celtes en Alsace marque la limite occidentale de leur domaine originel. Au cours du Ier siècle avant J. C. commença l’envahissement par des peuplades de Germains, d’abord les Suèves avec leur chef Arioviste, qui, avec des alliés celtiques, furent ensuite vaincus par les Romains avec Jules César, entraînant une cohabitation au sein de la population. La germanisation de l’Alsace commence vraiment avec l’arrivée des Alamans vers la fin du IVe siècle, puis des Francs un siècle plus tard. C’est alors que l’alémanique, un dialecte du vieux haut-allemand, remplace le latin et le celtique (Fig. 6). Au VIIIe siècle, Osthaim était une « villa » (du latin maison de campagne, ferme, métairie) avec son domaine. Ainsi, se confirme une origine d’Ostheim estimée au Haut Moyen-Âge (Logel, 2013) et plus précisément après l’occupation par les Francs au début du Ve siècle. A partir du VIe siècle, un domaine agricole ou ensemble de domaines francs était indistinctement mentionné en latin sous villa : il était situé près de l'eau et entouré de pâturages, tous deux indispensables pour leur bétail. Il pouvait s'étendre sur plusieurs centaines d'hectares et pour un regroupement jusqu'à 60-110 têtes sur une superficie jusqu'à 2300 ha ; le cimetière était situé à 100-300 m des habitations (Ewig, 2001). Certaines interprétations étymologiques d’Osthain/Ostheim à partir d’un dictionnaire allemand se sont avérées erronées ; elles ont pu suggérer : Ost signifiant août ou période de récolte, ou bien, Est ou aube par rapport au lever du soleil ; et Hain mot masculin francique signifiant nemus = bois ou forêt renfermant des paturâges ; lucus = bois sacré ; Hain est une forme ancienne de Hagen pouvant aussi signifier verger. Des fouilles archéologiques (Logel & Putelat, 2012 ; Logel, 2013; Putelat & Logel, 2016) dans la zone du Birgelsgärten (sise à l'entrée Nord d'Ostheim Fig. 5, 6, 7) ont montré qu’à partir du haut Moyen Âge, c’est entre le VIIe siècle et le début du VIIIe siècle, que se constitue l’essentiel de l’occupation avec l’aménagement d’un espace central délimité par un enclos palissadé : il s’agit d’un établissement rural comprenant des bâtiments de plain pied, des cabanes semi-enterrées, un puits et des sépultures ; il est implanté dans la zone humide en bordure d'un ancien chenal de la Fecht. Au sud, l'enclos semble s'arrêter au bord de la Fecht. De l'autre côté du chenal, une fosse a livré un exceptionnel ensemble d'os de gibier et d'animaux domestiqués : selon Logel (2013), Putelat & Logel (2016), il pourrait s’agir des restes de chasses aristocratiques ou/et de banquets. Ceci est conforme aux propriétaires des lieux, la famille franque des Etichonides et probablement Hugues II, l'auteur de la donation citée ci-dessus. Fig. 6. - Croquis de restitution du site d'Osthaim d'après Logel (2013). Ce lieu correspond à l'origine du site Osthaim et marque ainsi l’emplacement primitif du village actuel d’Ostheim. Pour plus de détails sur ces fouilles, nous renvoyons le lecteur aux travaux publiés par T. Logel et O. Putelat (voir Références ci-dessous). Un schéma des fouilles d'après lequel a été fait le croquis ci-dessus : d'après Logel (2013), légèrement modifié - localisation des ensembles architecturaux attribués à l'occupation au Haut Moyen Âge - échelle 1/500e : cliquez ici ou sur le croquis. Si l'installation du domaine d'Osthaim a commencé à l'époque mérovingienne, il s'est développé sous les Carolingiens (du milieu du VIIIe à la fin du Xe siècle). L'époque celtique/romaine (gauloise) se termine au IVe siècle avec l'arrivée des alamans, puis des francs, le celtique est progressivement remplacé par un parler alémanique. L'Alsacien actuel en est issu. Tableau 1. Chronologie avec un résumé des résultats des fouilles au Birgelsgaerten (Ostheim) - d’après Logel (2013).
Nota : un hameau nommée Ostein (aussi cité sous Osthaim, Hosthaim ou Hostheim) est sis près d'Isenheim aujourd’hui Issenheim (Stoffel, 1868), un lieu occupé par des Celtes depuis l’âge du Bronze : il est mentionné pour la première fois en 811, dans un acte attribuant des terres situées à Osthaim à l'abbaye de Murbach ; cette dernière a été fut fondée en 727 par le comte Eberhard d'Eguisheim, fils d'Etichon/Adalric (665-722), duc d'Alsace et petit-fils d'Etichon. Il se vérifie une fois de plus que la toponymie des lieux alsaciens traduit la complexité de leur histoire à travers les millénaires et en cela rejoint l’onomastique des noms de familles alsaciennes et des prénoms. De même, il est toujours nécessaire de replacer des évènements à portée politique dans leur contexte historique (Fig. 7, 8). La connaissance de la généalogie des acteurs avec leur passé et leur histoire, y compris familiale, donne des renseignements généralement fort utiles ; certes, il faut souvent du temps et de la persévérance, et parfois un peu de chance, pour rassembler documents et données nécessaires. Néanmoins, des lacunes, il y en aura toujours, l'importance est de les minimise, à défaut de pouvoir toutes les combler. Généalogie de Hugues II
[1] aussi nommé Eticho, Aticus, Attich, Etih, Chadalricus - il serait le fils d'Adalric, duc d'Attoarensis (Plateau de Langres - voir Garnier, 1849) et de Hultrude de Burgondie ; selon d'autres sources il descendrait des rois mérovingiens par son père Leudesius arrière-petit-fils de Clothaire Ier. Il fonde l'abbaye d'Ebersmünster sur ses terres dans la moitié du VIIe. Liens généalogiques : Eticonides (Wikipedia) Références Bullet J. B. (1753). Mémoires sur la langue Celtique : contenant 1. L'histoire de cette langue... : 2. une description étymologique des villes... ; 3. un dictionnaire celtique... Daclin, Besançon, vol. 1, 487 p. [Osthaim, p. 229 ; Fecht, p. 237] . Crandidier P. A. (1787). Histoire ecclésiastique, militaire, civile et littéraire de la province d'Alsace. Pièces justificatives. Levrault, Strasbourg, vol. 2, 286 p. [Osthaim, p. XLIII] . Ewig E. (2001). Die Merowinger und das Frankenreich. Kohlhammer, Stuttgart, 4e édition, 268 p. E n g e l h a r d t C . M . ( 1 8 1 8 ) . H e r r a d v o n L a n d s p e r g , A e b t i s s i n z u H o h e n b u r g , o d e r S t . O d i l i e n , i m E l s a s s , i n z w öl f t e n J a h r h u n d e r t u n d i h r W e r k : H o r t u s d e l i c i a r u m |