Famille Emig - Bouisson | Nos Traditions alsaciennes de Pâques |
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Voici les traditions de Pâques du temps de ma jeunesse. Mais, vivant à Marseille depuis plus 50 ans, le lièvre de Pâques - Osterhàs - n'a jamais manqué de mettre œufs de Pâques et chocolat dans notre jardin.
La Semaine Sainte, Kàrwoch en alsacien (Karwoche en allemand), est un temps liturgique fort en Alsace, ancré dans la tradition allemande [2] et chargé de symboles. Nous ne citerons ici que ceux concernant ma famille protestante luthérienne du vignoble et du Ried colmarien. Les localités concernées se situent principalement dans les possessions des ducs de Wurtemberg (protestants luthériens), qui sont devenues françaises à la Révolution [ Le Dimanche des Rameaux, Palmsonntig, (Palmsonntag) marque l’entrée dans la Semaine Sainte. Pour de nombreuses paroisses protestantes, il était le jour de la Confirmation (celle des vœux de baptême). Contrairement à l’adoption de robes blanches pour les filles en ville, à la campagne, la robe en noire, souvent du velours, avec des poignées et un col blanc brodés, a souvent été maintenue jusque dans les années 1950. Le blanc était auparavant la couleur du deuil ma grand-mère, suissesse, s’est mariée en noir en 1907 à Huttwil (Emmental, canton de Berne). Le Jeudi-Saint, Grüendonnerstig (= jeudi vert, Gründonnerstag), il y avait le soir un court office liturgique avec Sainte Cène ; l’autel et la chaire étaient recouverts d’un drap noir. Le repas était frugal, composé d’épinards et d’œufs. Si les cloches des églises catholiques se taisent jusqu’à Pâques, elles ne partaient pour autant à Rome : car, c’est le lièvre de Pâques, Osterhàs [ Le Vendredi-Saint, Karfritig (Karfreitag), jour de la mort de Jésus sur la croix, est, pour les protestants, le jour le plus important du calendrier liturgique : il est férié dans tous les pays protestants. Il a été accordé par le consul Napoléon Bonaparte aux protestants lors du concordat de 1801 [3], le Vendredi-Saint est un des deux jours fériés conservés localement en Alsace-Moselle. On ne mangeait que du poisson, ce qui est encore souvent en vigueur aujourd’hui dans bien des familles. Le Dimanche de Pâques, Ostersonntig (Ostersonntag), marque bien entendu la Résurrection du Christ et symbolise la victoire de la vie sur la mort. C’est la fête majeure dans l’année chrétienne. Sa date est fixée en fonction de l’équinoxe de printemps [4]. Le lundi de Pâques, la visite familiale nous emmenait chez mon oncle Eugène Emig (1897-1969) et ma tante Kathala à Mittelwihr, nous y passions toute l’après-midi. Là encore le Osterhàs avait laissé quelques œufs et chocolat la veille dans le verger et le potager. Traditions de Pâques
Dans les civilisations germaniques, le lièvre était symbole de fécondité et l’animal fétiche de la déesse germanique Ostara du printemps et de la fécondité. Le lièvre est le premier animal à se reproduire au printemps : il est aussi appelé le lièvre de mars, Märzhàs. Déjà à Byzance, le lièvre était un symbole du Christ. La fête païenne d’Ostara (signifiant printemps) se célébrait vers le 21 mars au moment de l’équinoxe de printemps : son nom a donné Ostern (Pâques en allemand, ou Easter Pâques en anglais, dérivé du nom en anglo-saxon Eostre de cette même déesse). En allemand, il n’y a pas de confusion possible entre la Pâques chrétienne : Oster, Ostern, et la Pâque juive : Passah. Pendant les hivers rudes, le lièvre avait l’habitude de se rapprocher des maisons pour venir se nourrir. Ce comportement inhabituel l’a sûrement prédisposé à être choisi pour apporter les œufs aux enfants. A noter que tout lèvre est susceptible d’apporter des œufs et des friandises. Citant le traité publié en 1682 par son doctorant Johannes Richier, de Franfort-sur-le-Main, et intitulé « De ovis paschalibus », Georg Franck von Franckenau (1644-1704) mentionne l’apparition de la croyance populaire dans les zones protestantes d'Alsace et du Palatinat : celle du lièvre de Pâques. Dans le canton de Zürich (Suisse), le Osterhaasli, en suisse alémanique, posait des œufs colorés en rouge dans les nids de Pâques confectionnés par les enfants. Une tradition importée aux USA par les émigrants alsaciens arrivant vers 1700 en Pennsylvanie et devenue Easter Bunny. Dans l'histoire culturelle de l'humanité, les différentes significations et symboliques des œufs, connues depuis la nuit des temps, ont été transférés directement à la fête de Pâques : les œufs sont considérés comme force donnant de la nourriture, ils sont des symboles de la vie, la pureté, la fertilité et de l'éternité. Ils ont été utilisés comme offrandes et comme cadeaux d'amour. Déjà au début du christianisme était l'œuf était un symbole de la vie et de la résurrection - marquant le lien entre l'œuf et Pâques pour les chrétiens. La tradition des œufs de Pâques s’installe vers le XIIIe siècle. Ultérieurement au XVIIe siècle, la couleur traditionnelle pour l'œuf de Pâques devient le rouge dans le monde occidental : couleur de la joie, de victoire, de l'amour et du sang du Christ. Ostereiertütschen, il y a plusieurs façon de l’écrire, se pratiquait dans plusieurs régions d’Allemagne, en Alsace et dans divers cantons de la Suisse alémanique souvent depuis le XVIIIe siècle. Un jeu amusant qui se pratique au moment de manger les œufs. « Spitz gegen Spitz » et « Arsch gegen Arsch » : on frappait un œuf contre un autre, pointe contre pointe, puis « cul » contre « cul » - ou l’inverse. Le perdant, dont l’œuf avait les deux extrémités cassées, le mangeait - et selon sa fin recommençait !
[1] Il faut rappeler que l’alsacien n’est qu’un parler et que sa langue écrite est le Hochdeutsch haut allemand - aujourd’hui parfois aussi nommé allemand standard. [2] On peut fréquemment lire que des différences entre les traditions alsaciennes et françaises datent de la période allemandes entre 1871-1919. C’est ignorer que les traditions alsaciennes remontent pour la plupart à une époque bien antérieure où l’Alsace était encore allemande. L’Alsace dans sa géographie actuelle n’est devenue totalement française qu’en 1792 ! De même, on cite des traditions en oubliant de leur attribuer la religion pratiquée, ceci vaut ici pour la Semaine Sainte comme pour Noël. La religion a toujours été déterminante dans l’histoire d’une famille alsacienne et indispensable à appréhender pour la comprendre. Il est aussi nécessaire de rappeler qu’aujourd’hui encore la loi de 1905 sur la laïcité ne s’applique pas en Alsace. [3] Nombre de français ignorant l’histoire réelle font référence à une « tradition germanique héritée de l’appartenance de l’Alsace à l’Allemagne, après 1870. Alors qu’il s’agit du Concordat de Napoléon de 1801 ! Certes ni des écrits récents, ni des livres d’histoire font preuves de grande objectivité au sujet d’une région dont tout le passé millénaire de con peuple est allemand.[L] [4] La définition précise du jour de Pâques fut établie en 325 par le concile de Nicée réuni par l'empereur Constantin ainsi :
« Pâques est le dimanche qui suit le 14e jour de la Lune qui atteint cet âge le 21 mars ou immédiatement après. » Il ne s'agit pas de la lune observée, mais d'une lune dite ecclésiastique, méthode de calcul traditionnelle approchée. Cette méthode compliquée mit longtemps à se répandre dans le monde chrétien. Elle dut être modifiée lors de l'adoption du calendrier grégorien en 1582. [5] La tradition du gigot d’agneau à Pâques ou de manger de l’agneau n’a jamais existé en Alsace, sans oublier que le mouton en général était une viande très peu consommée dans cette région. J’ai découvert cette viande en venant m’installer à Marseille, où la tradition de consommer des ovins remonte au plus haut Moyen Âge. En effet, les premiers troupeaux sont apparus en Alsace après la guerre de 1870 et ce n’est qu’au début du XXe siècle que les éleveurs ont commencé à s’intéresser à la qualité de cette viande. 1. À toi la gloire, O Ressuscité! Parole d'Edmond L. Budry 1900, pasteur suisse |
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