Familles Emig - Bouisson

Onomastique des noms et prénoms de famille français, alsaciens, méditerranéens (italiens, corses, turcs, espagnols)

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Onomastique française

Onomastique alsacienne

Onomastique : Prénoms


Définitions :
ONOMASTIQUE subst. fém. : Discipline ayant pour objet l'étude des noms propres et comprenant diverses branches, telles que l'anthroponymie, l'hydronymie et la toponymie. Étymologie : 1578 onomastic subst. «explication du sens des mots». [ATILF]

Anthroponymie
= branche de l'onomastique ayant pour objet l'étude des noms de personnes.

Toponymie
= ensemble, système formé par les noms de lieux d'une région ou d'une langue.
= étude linguistique des noms de lieux, d'une région ou d'une langue, du point de vue de leur origine, de leur transformation, ou de leur signification.

Prénoms > introduction

Prénoms > prénoms-composés

Des prénoms provençaux

Des prénoms alsaciens

Autres prénoms en "allemand"

Références



Les prénoms : introduction


Au sein des généalogistes, la tendance est toujours forte à traduire en français les prénoms, voire les noms, dans des actes écrits dans une autre langue que le français, parfois même de tels prénoms dans un acte en français ! Il s’y cache parfois des réminiscences historico-politiques personnelles qui ne sont en aucun cas de mise en généalogie.

Alors, peut-on franciser un nom ou un prénom ? Et la loi française répond go : Oui… si vous sollicitez la nationalité française, vous pouvez demander la francisation de votre nom de famille et/ou de votre prénom. Vous pouvez aussi faire cette demande si vous avez récemment acquis la nationalité française [1]. Mais il est nécessaire d’avoir une traduction certifiée de l’acte de naissance et faite ou attestée par un traducteur assermenté.

Le réponse est claire et sans ambiguïté (voir aussi ci-dessous la francisation des prénoms au Sénat).

Rappelons qu’en France, comme dans la plupart des pays d’Europe, l'identité d'une personne renferme plusieurs données légales, tels qu’exclusivement mentionnées dans l’acte de naissance (original) :

  • le sexe
  • le nom de famille (qui peut ne plus être le patronyme mais le matronyme) [1]
  • le ou les prénoms
  • la date de naissance
  • le lieu de naissance
  • Il faut y ajouter le lien de filiation et de parenté entre les parents et leur enfant légitime (ou reconnu ou légitimé ou adopté) qui se comportent comme tels dans la réalité, même s'ils n'ont aucun lien biologique.

En enregistrant la naissance, l’État reconnaît officiellement l’existence de l’enfant et officialise son statut au regard de la loi. Par ailleurs, grâce à ce nom et à son enregistrement sur les registres de l’état civil, un enfant pourra établir sa filiation, c’est-à-dire les liens de parenté qui l’unissent à son père et à sa mère. L’importance de cette dernière phrase n’est pas toujours bien appréhendée par les généalogistes car ainsi se justifie la rigueur nécessaire dans l’exploitation des données de l’acte de naissance ainsi que leur transcription exacte dans leur forme originale des noms et prénoms, puisque nous ne sommes plus dans le cadre de la loi française mentionnée ci-dessus.

En outre, en généalogie, la source (donc la référence exacte à l’acte et la possibilité de retrouver le document) est rarement mentionnée. Le fait qu’aucune traduction ne doit être faite, même exceptionnelle, est mis en exergue ci-dessous sur la « francisation des prénoms » (questions écrites au Sénat).

Il est aussi souvent méconnu qu’un prénom dans une autre langue que le français peut ne pas avoir d’équivalent en français ou que ce dernier puisse se référer à plusieurs prénoms distincts ou à des variantes dans une autres langue, qui se comportent comme autant de prénoms distincts [2]. Sans quitter la France, ces cas sont nombreux dans diverses régions historiques comme la Corse (en corse et italien), l’Alsace (en allemand ; Emig, 2015), la Lorraine (en allemand), la Provence (en provençal), le comté de Nice (en nissart), la Flandre (en flamand), les Antilles (en créole)… pour ne citer que quelques régions où m’ont emmené mes recherches familiales, sans oublier l’Allemagne, l’Espagne, les Etats-Unis d’Amérique, la Grande-Bretagne, l’Italie, la Pologne, la Serbie, la Turquie… Les familles utilisaient aussi les variantes d’un prénom pour distinguer officiellement deux membres de la famille (Emig, 2015).

La graphie change d’un scripteur à l’autre, dépend de la langue employée et du pays concerné, et aussi de l’époque, autant de raisons pour s’appliquer dans une bonne connaissance de la paléographie, surtout quand les données sont mises en ligne sur un site WEB, car les erreurs se multiplient à la vitesse du copier-coller !


A une question sur la francisation des prénoms en allemand entre 1939 et 1945, le ministère de l’Intérieur donne une réponse publiée dans le J.O. Sénat du 18/06/1998 - page 1958 go :
Lors de la mise en place du système de fabrication et de gestion informatisée de la carte nationale d'identité sécurisée, il a été décidé, afin de renforcer la valeur juridique de ce document, de renforcer les contrôles relatifs à l'état civil et à la nationalité française. S'agissant de l'état civil, les mentions portées sur le titre d'identité doivent être conformes à celles figurant sur l'acte civil produit. Lorsque l'usager n'est en mesure de ne présenter qu'un acte de l'état civil rédigé en langue étrangère, celui-ci doit être traduit ; la traduction qui incombe à l'usager doit être effectuée par un traducteur assermenté. Toutefois, pour ce qui concerne les personnes nées dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, de la Moselle entre 1940 et 1945 pendant l'annexion de ces départements par l'Allemagne, il a été décidé, en accord avec le ministère de la justice, d'assouplir les règles relatives à la traduction des actes de l'état civil. Il sera désormais possible de faire figurer sur la carte nationale d'identité de ces personnes un prénom traduit en langue française par les agents des préfectures. Cette procédure de francisation du ou des prénoms pourra être appliquée sous réserve que les intéressés soient en mesure de présenter d'autres documents officiels mentionnant leur prénom francisé et qu'elle ne mette pas en cause les mentions figurant sur les registres d'état civil. Si tel n'était pas le cas, l'usager devrait introduire une procédure de changement de prénom dans les conditions prévues par l'article 60 du code civil. Il est précisé à l'honorable parlementaire que des instructions vont être adressées en ce sens aux préfets.

A une question sur la francisation des prénoms, la réponse du ministère de la Justice est publiée dans le JO Sénat du 05/01/2006 - page 18 go :
Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'en raison du principe de l'indisponibilité de l'état des personnes et de l'immutabilité des nom et prénoms énoncé à l'article 1er de la loi du 6 fructidor an II, les conditions dans lesquelles une personne peut changer de nom ou de prénom sont strictement définies. Ainsi, l'article 8 de la loi n° 72-964 du 25 octobre 1972 prévoit que les personnes qui acquièrent ou recouvrent la nationalité française peuvent demander la francisation de leur nom et prénom dès la demande de naturalisation ou dans l'année qui suit celle-ci. Passé ce délai, elles peuvent obtenir le changement de leur prénom au terme de la procédure judiciaire de droit commun prévue par l'article 60 du code civil. Les objectifs de stabilité et de sécurité de l'état civil ne permettent pas d'envisager que les conditions de changement de prénom soient assouplies. Par conséquent, le dispositif législatif actuel, qui préserve tant les intérêts des personnes concernées que les impératifs de sécurité juridique, doit être maintenu.

Reste aux généalogistes et à leurs associations de respecter et d’appliquer la loi dans la transcription des données et la publication de ces dernières. Ce n’est en fait que respecter les décisions prises par nos ascendants et ancêtres et manifestées dans les actes de naissance.



Notes :

[1] Les noms de famille sont définitivement fixés par la loi du 6 fructidor an IV (23 août 1794) - toujours en vigueur -, dont l’article 1 stipule : « Aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance: ceux qui les auraient quittés seront tenus de les reprendre. » Voir aussi Emig (2017).

[2] En prenant comme exemple Jean, il correspond aux prénoms inscrits dans les actes : en allemand Johann, Johannes, Hans, Hanß ; en provençal, Jan, Janet ; en italien Giovanni, Gianni, Gian ; en corse Ghjuvan, et plus à https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_(prénom) - et les confusions possibles, comme en mettant Jean à la place de John, car Jean est un prénom féminin en anglais - (voir aussi Emig, 2015).

 


Prénoms composés


Les noms et prénoms composés [3] seraient venus d’Espagne dans la France de Louis XIV (1638-1715). En effet, ils sont inconnus en allemand [4].

L'usage des prénoms juxtaposés (souvent ceux du parrain et de la marraine, ou des parents et grands-parents) est apparu dans les années 1770-1780 dans les actes catholiques de baptême. L'emploi du trait d'union et de la virgule étant très rare jusqu'au milieu du XXe siècle, lors du passage de l'acte de baptême (religieux) aux actes d'état civil (naissance, mariage, naissance des enfants, décès) et aux actes notariés, de nombreux prénoms composés ont été fondus en un seul par suppression de l'espace séparateur. Par exemple beaucoup de Marie Anne sont devenus Marianne, alors que Marie-Anne restait très rare.

La normalisation orthographique des prénoms de cette époque de transition est donc sujette à discussion et les conventions diffèrent selon les organismes (Bibliothèque nationale, dictionnaires des noms propres, conventions typographiques des éditeurs). On recommande généralement de comparer plusieurs documents officiels (y compris les autobiographies), lorsqu'ils existent, mais aussi de tenir compte, au cas par cas, de l'usage le plus fréquent, par exemple la graphie la plus fréquente utilisée en tant qu'auteur publié (bibliographie), ou dans les citations. Rappelons que l’identité d’une personne n’est attestée que par son acte d’état-civil de naissance dans la langue d’origine (sans traduction !), ce qui s’applique tel quel en généalogie qui doit suivre les lois en usage dans chaque état. Des familles ancrées dans la tradition catholique ont donné ou donnent comme deuxième prénom, systématiquement et quelque soit le sexe de l'enfant le prénom Marie. Nous rencontrons donc des Jean Marie, Pierre Marie, René Marie, des Catherine Marie… Souvent ce deuxième prénom est associé au premier pour devenir un prénom composé et usité tel quel au quotidien. D'autres en revanche prennent Jean comme premier prénom puis y associent un autre prénom, biblique ou non : Jean-François, Jean-René, Jean-Patrick, Jean-Charles, Jean-Paul… Noms et prénoms peuvent souvent donner une indication sur la religion originelle du porteur ou de ses parents.


Notes :

[3] Un prénom composé est l'ensemble de deux ou plusieurs prénoms utilisés conjointement dans l'usage quotidien pour désigner les personnes. Les prénoms composés sont souvent séparés par un trait d'union, mais parfois par une espace seulement. L'usage, en matière d’inscription sur l’acte de naissance, était de séparer les différents prénoms (simples ou composés) par une espace, rendant ainsi indiscernables les prénoms composés (sans trait d'union) des prénoms secondaires. Depuis 2011, pour éviter cette confusion, l’état civil français impose d'insérer une virgule entre chaque prénom, même constitué de plusieurs vocables non séparés par un tiret. S'agissant d’un prénom composé, le déclarant devra indiquer à l’officier de l’état civil s’il souhaite que les vocables le composant soient séparés par un tiret ou par un simple espace.


Des prénoms provençaux - du XIVe au XIXe siècle


Notre généalogie contient de nombreuses familles provençales, principalement du Bassin de l’Arc, aussi connu comme Bassin minier (houiller) de Provence (Bouisson, 2018). Les premiers actes paroissiaux remontent au début du XVIe siècle. Toutes nos familles provençales à la période considérée sont catholiques.

L'ensemble des prénoms dominants, et leurs variantes en provençal (Table 1), appartient à des prénoms catholiques qui, en France, se sont imposés à la fin du Moyen Âge. Ce sont ceux de l’entourage de Jésus-Christ, comme Jean, Jacques, André, Pierre, et ceux des premiers saints (martyrs, évêques, moines), de l'Église catholique : Étienne, Antoine, Claude, et des saints locaux comme Honoré/Honnorat. Les prénoms féminins sont la forme féminisée de prénoms masculins ou bien ceux des saintes, souvent martyres, de l'Église primitive, comme Marguerite ou Catherine, ou encore Madeleine, très proche du Christ. Pour cette dernière, selon la tradition religieuse provençale, divers lieux rappellent la présence de proches du Christ venus s’échouer sur les côtes provençales, notamment Marseille, La-Sainte-Baume, Saint-Maximin (où elle serait enterrée)… tous situés à seulement quelques dizaines de km. Les prénoms dominants en Provence ne présentent guère d'originalité, similaires à ceux des autres régions de France.
Quelques prénoms ont des racines féodales du Haut Moyen-Âge, certains germaniques, citons  Bérenger ou Bérenguier, Guigues ou Guigou, Guillaume ou Guilhem, Hugues ou Hugon, Laugier… Certains se sont perpétués comme patronymes.
L'attrait pour l'Antiquité, importé d'Italie au XVIe siècle, a vu l’usage de Marius, César, Hercule, Hippolyte ou Hyppolite, Marquise (féminin de Marc)…
En outre, les Protestants qui donnent nombre de prénoms de l'Ancien Testament auront aussi un rôle dans le renouvellement des prénoms bibliques. Néanmoins, le succès persistant de Marie et de Joseph confirme l'empreinte de la Contre-Réforme dans la Provence du XVIIIe siècle, et par delà la Révolution, au XIXe siècle (Cousin, 2003).

Le choix du prénom de baptême était généralement issu d'une tradition ou d'une transmission familiale extrêmement contraignante, qui laissaient peu de place à l'initiative personnelle. C’est dire que le choix réel, mais limité des saints du calendrier (Nominis, 2018), était soumis à l'influence potentiellement forte de la famille sur le choix du prénom et s’y ajoutait la parenté spirituelle, parrain et marraine, dont le prénom revenait souvent à l'enfant (Vovelle, 1973 ; Cousin, 2003).

La tendance à la concentration sur un nombre réduit de prénoms, entamée à la fin du Moyen Âge est fortement marquée en Provence et plus nette chez les filles que chez les garçons ;  elle ne s'inverse nettement qu’au XIXe siècle. Ainsi, sur trois siècles, seuls une dizaine de prénoms masculins et autant de féminins sont d'un usage très fréquent (Table 1) en Provence, à l’exception de Marius qui n’apparaîtra qu’à la fin du XVIIIe siècle.
Aux XVIe et XVIIe siècles, le prénom unique est de règle. Cependant fin XVIIe siècle, une toute petite minorité d'enfants reçoivent deux prénoms. Vers le milieu du XVIIIe s., la majorité des enfants en Provence (55 % des garçons, 59 % des filles) ont deux, voire trois prénoms à leur naissance, une tendance qui s’accentue dans le temps.

Table 1. - Liste des principaux prénoms relevés dans la généalogie de nos familles provençales, jusqu’au début du XIXe siècle (Bouisson, 2018). Les prénoms en gras sont ceux dominants dans la période considérée, d’après Cousin (2003).

Prénoms masculins Prénoms féminins
André
Anfous, Anfossi, Alphonse
Antoine
Bache
Balthasar, Balthazar
Baptiste aussi Jean-Baptiste
Barthélémy
Boniface
Brancais, Pancrace
Cannat
César
Claude
Elzéar
Esprit, Espérit
Estienne, Etienne
Fortuné
François
Guiges – Guigou comme nom
Honorat, Honoré
Hippolyte, Hypolite
Isnard
Jaume, Jacques
Jean
Joseph, Josephin
Lange
Laugier (comme nom)
Laurent
Louis
Marius
Maximin
Melchior
Monet
Pancrace
Paul
Pierre
Sauvaire, Sauveur
Eustache
Trophime
Alayone, Alione
Andrieue,
Anne
Anthonone, Anthorone
Antoinette
Bartolomine
Batrone
Catherine
Césarine
Claire, Cler
Diane
Françoise
Geneviève
Honorade, Honorine
Isabelle, Isabau, Elisabeth
Isnarde
Jaumette
Jeanne,
Joséphine
Louise
Lucrèce
Marianne
Marie
Madeleine, Magdeleine
Marguerite
Marquise
Marthe, Martonne
Melchionne
Sillette
Sybille
Thérèse
Tulle
Virginie

De cette liste, non exhaustive, on contaste qu'il n'y a pas de prénoms d'origine provençale, sinon parfois des prénoms "provençalisés" ou des diminutifs ou variantes, de noms français ou étrangers, ou encore de formes médiévales.



La plupart des enfants possèdent deux prénoms en Alsace : le premier est celui dit de la famille, et le deuxième est celui propre à l’enfant, donc l’usuel. La dénomination à utiliser est celle indiquée exclusivement sur l’acte de naissance et dans la langue de cet acte. Dans d'autres actes, comme ceux de mariage ou de décès, seul le prénom usuel est souvent indiqué, donc tous les prénoms sont fournis par l'acte de naissance qui doit être recherché afin de vérifier l’identité réelle de la personne ; cela vaut aussi pour les parents dans tout acte. Une identité partielle est souvent source d'erreur ou de confusions, d’autant qu’en France le premier prénom est généralement l’usuel. Dans les recensements, seul prénom usuel était généralement mentionné.

Les registres paroissiaux étaient en allemand chez les protestants souvent jusqu'au milieu du siècle dernier, comme les cultes, et en latin parfois en allemand chez les catholiques. Les registres d'état-civil sont en allemand jusque vers 1805-1806, parfois jusqu'en 1825 selon les villages, puis de nouveau de 1871 à 1918 et 1939-1945, donc les prénoms sont allemands et bien-sûr en allemand. Durant les période française, les prénoms étaient écrits en français, voire francisés, et l'inverse en période française. Dans ce dernier cas, l'usage courant se faisait en version allemande comme l'atteste très souvent les signatures, mais l'acte était écrit en français. Le comportement de l'administration française amène parfois des cas "amusants" ; ainsi, le prénom Christian existe à la fois en allemand et en français, mais dès que l'état-civil devient français le prénom devient systématiquement Chrétien (qui n'a comme traduction en allemand que Christian). Il n'entrera dans l'usage français qu'au cours du XXe siècle et donc dans le calendrier catholique des saints. Une remarque : Pfister Chrétien utilise Christian comme prénom dans sa vie courante (Emig, 2018).

Table 2. – Exemple de prénoms sur trois générationsd'Alsaciens. Le prénom usuel est généralement le seul utilisé dans les actes de mariage, de décès, et les recensements. En colonne 4, la retranscription donnée par des généalogistes étatsuniens ne tient pas compte de la spécificité alsacienne et devient une source d'erreurs ; en outre, seul le prénom est fourni pour les épouses (qui portent de nom de famille de leur époux et non le leur propre) ce qui empêche toute généalogie ascendante.

d'après l'acte de naissance prénom usuel US ranking
grand-père Johann Martin Martin John I
père Johann David David John II
fils Johann Michael Michael John III
d'après l'acte de naissance prénom usuel
grand'mère Maria Catharina Catharina
mère Maria Margaretha Margaretha
épouse Anna Margaretha Margaretha

La traduction d’un prénom allemand en français ou en anglais souvent obère l’usage au sein de la famille. En effet, Johann, Johannes, Hans, Hanß… ne peuvent se traduire en français que par Jean ; or, en allemand, chacun de ces prénoms est spécifique, distinct de l'autre, et permet de distinguer deux personnes au sein de la famille entre frères, sœurs ou cousins germains. Ceci vaut pour d’autres prénoms comme Catharina, Kathrina, Catherina…, Michel ou Michael (pas d’umlaut ici !). À ne pas connaître ou mal les us et coutumes locales conduit à faire des erreurs et les transmettre. Un autre point souvent négligé est le surnom pour les hommes : der Alte, der Mittere, der Junge. Or, ce surnom change dans le temps, car au décès du "Vieux" (Alte) c'est le "Moyen" (Mittlere) ou le "Jeune" (Junge) qui s'appelera Alte dans un acte. Ensuite ce surnom n'est pas toujours du père à son fils ou petit-fils, mais parfois au cousin germain. Donc au combien ! la généalogie est une histoire de famille.

Dans la culture alsacienne  (allemande), la tradition veut que le prénom soit indiqué avant le nom de famille. On appréhende ici les différences entre alsaciens (de culture allemande) et français (de culture latine), ainsi que les lacunes historiques qui laissent souvent penser que les alsaciens sont des français ! Certes, aujourd’hui de nationalité, mais pas de culture (au moins pour ceux de souche). C'est aussi oublier ou méconnaître que des prénoms allemands sont à l'origine de biens de prénoms francisés !

D'un usage général en Alsace au XVIIIe siècle dans les familles catholiques et protestantes, les plus nombreux des noms de famille ont pour origine des prénoms. Il s'agit de prénoms courants de forme allemande – quelques exemples avec la signification en français :

Diebold Thiébault

Certains ont subi des altérations, tel Gotz ou Götz issu de Gottfried, Lutz de Ludwig, Kuhn, Kuntz, Kintz, Kientz ou Kuntz de Conrad, Heinz ou Heitz de Heinrich.

Claus Nicolas
Mathias Matthieu
Bernhardt Bernard
Veit Guy
Hans ou Hanß Jean
Peter Pierre
Walter Gauthier
Fix ou Vix Guy

- Matthäus, Matheus (D) - Matthieu, Mathieu (F) : hebr. Matitjahu = don, présent de Jahvé, vieux grec Matthaîos.
- Matthis, Mathis (D, F) est un prénom variant, une forme abrégée.
- Matthias, Mathias (D, F) est une forma abrégée du grec Mattathías (même origine de l'hébreu).
Ces trois prénoms pourtant distincts en usage familial sont souvent mal traduits en français par les généalogistes non germanophones qui mélangent les variants pourtant distincts, tant pour les noms que pour les prénoms. Pour les variants français catholiques, voir https://nominis.cef.fr/.

Et plus... en onomastique alsacienne

L'Assossiation LISA publie une liste de prénoms anciens relevés dans les actes du Territoire-de-Belfort (90), qui fut partie intégrante de l'Alsace jusqu'en 1871; la population est dans sa grande majorité romanophone ainsi qu'une partie du Sundgau. Deux types de prénoms ont été relevés: ♠ les prénoms "vrais", associés à un saint, ou à une tradition attestée, plus ou moins locaux, oubliés de nos jours (comme Valbert, Deile... ), ainsi que quelques prénoms en allemand peu connus (comme Peterman, Fridolin...) ; ♠ les formes anciennes de prénoms actuels.



En allemand, il est facile de créer de nouveaux mots avec les mots composés. Cela enrichit le vocabulaire et donne beaucoup de nuances à la langue. Mais cela ne s’applique pas aux prénoms [4], seulement occasionnellement aux pseudonymes ou aux surnoms. Ci-joint un lien pour prénoms allemands & français correspondances / Deutsche Vornamen und deren französische Gegenstücke (mais avec quelques erreurs) : http://projetbabel.org/ go Rappelons qu’il existe trois standards principaux de la langue allemande : allemand ou Bundesdeutsches Hochdeutsch, suisse ou Schweizerhochdeutsch, autrichien ou Österreichisches Deutsch.
En Suisse alémanique, notamment dans le canton de Berne, les prénoms peuvent avoir des écritures locales en usage dans les actes, comme par ex. Elsbet ou Elsi pour Elisabeth, Uli pour Ulrich, Christeli pour Christian, etc. La connaissance du Schwitzerditsch est indispensable pour faire la généalogie locale, une obligation pour tout généalogiste, malheureusement trop souvent ignorée et source de très nombreuses erreurs dans les arbres des "ignorants".



Association LISA (2018). Prénoms anciens (Territoire-de-Belfort). http://www.lisa90.org/lisa1/work/prenoms.html, consulté le 19 août 2018.

Bouisson A. (2018). Geneanet - site abouisson. https://gw.geneanet.org/abouisson_w, consulté le 17 août 2020.

Cousin B. (2003). Prénommer en Provence (xvie-xixe siècle). Provence historique, 212, p. 194-224. pdf

Dauzat A. (1925). Les noms de personnes, Origine et Evolution - Prénoms, Noms de famille, Surnoms Pseudonymes. Delagrave, Paris, 211 p.  PDF

Delsalle P. (2009). Histoires de familles. Les registres paroissiaux et d’état civil, du Moyen Âge à nos jours. Presses universitaires de Franche-Comté, 297 p.

Denis M.-N. (1977). Noms et prénoms en Alsace au XVIIIe et au XIXe siècles d'après l'observation d'un certain nombre de registres paroissiaux. Annales de démographie historique, 1977, 343-353.   PDF

Direction de l'information légale et administrative (Premier Ministre) (2018). Peut-on franciser son nom et son prénom en devenant Français ? https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F10528, consulté le 19 août 2018.

Emig C. C. (2015). De la généalogie protestante en Alsace... quelques remarques et conseils. Nouveaux eCrits scientifiques, NeCs_01-2015, p. 1-8.   pdf

Emig C. C. (2017). Des règles, lois et coutumes françaises, suisses et allemandes à appliquer en généalogie. Nouveaux eCrits scientifiques, NeCs_01-2017, p. 1-13.   pdf

Emig C. C. (2018). Pfister Chrétien, dit Christian : généalogie et biographie (1857-1933). Nouveaux eCrits scientifiques, NeCs_05-2018, p. 1-13.   pdf

Nominis [Eglise catholique de France] (2020). Prénoms du calendrier et saints catholiques. https://nominis.cef.fr/contenus/prenom/alphabetique.html, consulté le 17 août 2020.

Ordinis C. (2018). Prénoms provençaux les plus donnés et les plus typiques, XVIe-XVIIe-XVIIIe s. http://genobco.free.fr/Prenoms.htm, consulté le 17 août 2018.

Projet Babel org - Prénoms allemands & français correspondances / Deutsche Vornamen und deren französische Gegenstücke : http://projetbabel.org/cronimus/prenoms.htm go

Prouvençau Lengo Vivo (association) (2018). Prénoms provençaux - pichot noum. http://prouvencaulengovivo.free.fr/prenoms-noum.htm, consulté le 17 août 2018.

Vovelle M. (1973). Piété baroque et déchristianisation en Provence au XVIIIe siècle, Plon, Paris, 696 p. [p. 175-182].


 

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