Histoire de Marsilho-veiré > Massalia > Massilia > Marseille
Plutôt que proposer une page d'une histoire qui se dispute avec la légende au moins dans ses origines, un ensemble de liens permettront au lecteur de picorer au gré des découvertes historiques couvrant les quelque 2600 ans et plus de l'existence de Marseille. Néanmoins, nous donnons nos préférences aux travaux scientifiques. La calanque avant les Grecs... Carte (cliquez sur les rectangles rouges): - Localisation de Marsilho-veiré [fond de carte de E. Schmitt, 1820] - Localisation de Massalia [maquette de Massalia au Musée d'Histoire : vue Est-Ouest avec le Lacydon à gauche] et - de Marseille ville (actuelle). Salyens et Ségobriges La réalité des migrations celtiques dans le Sud de la France alimente depuis longtemps une controverse toujours active (Garcia, 2006 ; Isoardi, 2008). En effet, la population de certaines régions a pu être qualifiée de mixte par des historiens, ce fut le cas en Provence pour les Salyens comme des Celto-Ligures, l'oppidum d'Entremont (à Aix-en-Provence) fut leur capitale. Au cours des siècles passés, les éthnonymes (comme celto-ligure) étaient parfois dévoyés par des considérations historico-politiques, notamment le nationalisme ou le patriotisme pour l’usage de Gaule et Gaulois. Rappelons que le berceau des Celtes se situe dans le bassin supérieur du Danube et son extension occidentale est l’Alsace ; à partir du IIe millénaire avant J.-C., leur civilisation a commencé à rayonner au gré des invasions et des migrations sur une très grande partie de l’Europe centre-occidentale. Quant au mot ligure, il fait référence au substrat ethnique autochtone, c’est-à-dire la population originelle, en l’occurrence de la Provence ; Garcia (2006) propose plusieurs origines pour ce mot. A défaut de mieux pouvoir caractériser les Celto-Ligures en Provence, on ne sait toujours pas s'il s'agit d'un peuplement mêlé, d'une population locale qui s'est appropriée une partie de la culture celte, ou si les deux explications s'ajoutent (Verdin, 1999, p. 56). Probablement, les Salyens sont les autochtones ligures en Provence occidentale, auxquels se seraient mêlés des populations d'origine celtique au cours de déplacements passant par le couloir rhodanien (notamment vers les IV-IIIe siècles av. J.-C.). Pourtant, il subsiste des conflits des sources et de preuves historiques et archéologiques, car textes et objets sont toujours difficiles d'interprétation. Pour pouvoir mesurer l’influence de la civilisation et des déplacements celtiques, il faut qu’ils soient attestés par des preuves archéologiques (Garcia, 2006). L'explication vient probablement qu'à partir de la deuxième moitié du VIIe s. av. J.-C., lorsque que les commerçants grecs abordent les côtes "provençales", les populations locales sont qualifiées de Ligures et l’espace abordé nommé la Keltiké (Celtique) (Garcia & Vital, 2006).
Les Ségobriges sont une tribu (ou des tribus) de Salyens, réparties autour du Golfe de Marseille et de l’Etang de Berre. Leur territoire s'étend largement dans l'arrière-pays. Ils ne peuvent être nommés Gaulois qui n'apparaîtront que dans les écrits de l'empereur romain Jules César 5-6 siècles plus tard ! Note familiale : Néanmoins, même si des relations entre Trets et Marseille par les ascendants Bouisson se déroulent seulement depuis le XVIIe siècle jusqu'à nos jours, les origines familiales pourraient bien remonter aux Salyens * ou Salluviens (parfois aussi orthographié Salliens ; en latin Salluvii) qui sont une fédération de peuples ligures du Midi de la France, qui réunissait les habitants des Bouches-du-Rhône, d'une partie du Vaucluse, du Var et des Alpes-de-Haute-Provence à la fin de la protohistoire (depuis 1800 av. J-C). L'arrivée successive de Grecs, Celtes, Romains marqua bien des changements, des tensions et des conflits, et des destructions. Ainsi, il est difficile, sinon impossible, de connaître les origines familiales des Bouisson de Trets, car les archives ne sont disponibles que depuis le début des années 1500. Oppidums ségobriges dans les environs de Marseille :
Marsilho-veiré Une tribu salyenne, les Ségobriges, s'installe vers 600 av. J-C sur les plateaux du massif de Marseilleveyre, depuis les hauts de Pastré jusqu’au baou de Sormiou en passant par la Fontaine de Voire. Chasseurs, pêcheurs et bûcherons, ils vivent probablement dans les bories, ces petites constructions de terre sèche. L'ensemble du massif est fortifié par des murs, avec un oppidum. L'ancien Marseille sera appelé Marsilho-veiré : le mot Veiré vient du latin Vetus qui veut dire Vieux, d’où Marseille-le-vieux en opposition à Marseille-la-moderne, Mασσαλια (Massalia), celle créé par les Grecs dans la calanque du Λαχυδω, le Lacydon (aujourd'hui le Vieux-Port). Massalia... Phocéens et Ségobriges, une rencontre fort improbable et qui pourtant, va donner naissance à une ville puissante, respectée et unique au monde par son modèle d'intégration, pour peu que les politiques acceptent de le maintenir. Les légendes et les lieux "sacrés" de la création de cette ville sont dignes de son aura mythique.
Des marins venus de Phocée ont débarqué dans une calanque qu'ils nommèrent Lacydon (l’actuel Vieux-Port de Marseille) : il ne s’y trouvait ni village ni port. Et les vestiges retrouvés qui sont antérieurs à cette époque se situent tous sur les hauteurs du pourtour marseillais : oppidums de Marseilleveyre, de St-Marcel, de Bouc-Bel-Air (Baou-Roux), d'Allauch, de Mimet (Test de l’Ost)… C'est au cours du VIIIe siècle av. JC, que commence la fondation de comptoirs sur le littoral de la Gaule par les Phocéens. Pourtant, la fondation de Marseille est tardive dans le cadre de la colonisation grecque en Occident. Et elle se produit dans une zone encore vierge de colonisation grecque. Cette calanque nommée Lacydon se situe sur la rive d’une plaine côtière de 180 km2, arrosée par l’Huveaune, descendant de la plaine d’Aubagne à l’est, et son affluent le Jarret, et par le cours des Aygalades descendant du nord du bassin. Cette plaine alluviale, relativement fertile, présente la particularité d’être assez fermée et protégée de l’intérieur, cernée par des massifs collinaires : Nerthe au nord, Étoile et Garlaban au nord-est, Carpiagne, Saint-Cyr et Marseilleveyre de l’est au sud. Elle ne possède qu’une seule ouverture aisée vers l’arrière-pays par la vallée de l’Huveaune. Ainsi les Grecs dispose d‘un territoire naturel des Marseillais, pour être exploité selon les orientations économiques de leur cité Massalia. A rappeler que sur ses massifs se situent des oppidums salyen-liguro-celtes (voir carte cidessus) qui pour la plupart étaient déjà là quand les Grecs sont arrivés. Ce sont les résultats des travaux réalisés au cours des dernières années qui ont conduit à revoir l’installation et l’expansion des Phocéens à partir de la calanque du Vieux Port et de leurs relations avec les populations environnantes (voir references ci-dessous). Mais l’arrivée importante des Phocéens se situe dans le prolongement de l’annexion par le monde perse des cités ioniennes de la Grèce de l’Est, en 546 av. J.-C., qui provoqua une nouvelle vague de migration, partie de Phocée, venant se rajouter à la population de Massalia (Gras 1995). Ces Grecs d’Ionie, menés par le Phocéen Protis, amenèrent avec eux un certain nombre de nouveautés. Parmi elles, on trouve l’usage de la monnaie frappée et sa technologie. Pendant quelques années, le besoin en numéraire va rester très faible et se limiter à l’environnement proche de la cité. Le stock importé, qui n’est pas renouvelé, va manquer peu à peu et c’est vers 525 que Massalia commence à émettre son propre monnayage. Ces premières monnaies sont dites “archaïques” (Picard, 1981, Furtwängler, 2000) et anépigraphes (Chevillon, 2014). Références (nota: la plupart de ces références sont téléchargeables sur le Web)
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Pralon (1992) écrivait : « les récits d'Aristote et de Justin (Trogue-Pompée) sur les noces de Protis et Gyptis s'inscrivent dans la tradition bien connue du svayamvara indo-européen. Ces récits apportent peut-être quelques éléments à notre connaissance des origines (cohabitation Grecs-indigènes ?), mais ils relèvent plutôt du merveilleux. » Pralon D. (1992). La légende de la fondation de Marseille. Etudes Massaliètes, 3, p. 51-56.
Au début du IVe siècle av. J-C, Massalia se présente comme une ville fortement fortifiée ; elle est si difficile à prendre que le chef gaulois Catumandus renonça à l'assiéger. Les IVe et IIIe siècles av. J-C marquent l’apogée de la puissance massaliote.
En 218 avant J-C, Massalia prend le parti de Rome lors de la seconde guerre punique contre Carthage. Aujourd'hui, on appelle toujours Marseille la cité phocéenne et son Vieux-Port reste un port naturel qui porte toujours le nom grec de Lacydon (en provençal : lou Lacidoun). Massilia Quand, bien plus tard, en 49 av. J-C Jules César s’empare de Massalia , les Romains en font leur capitale provençale sous le nom de Massilia, ils accorderont aux massaliotes, entre autres privilèges, celui d'avoir des places gratuites dans tous les théâtres de Rome. C'est dire ! Marseille Marseille, à cause de son esprit façonné au cours de millénaires d'une histoire tumultueuse, a souvent été qualifiée de "rebelle". Son insoumission atteindra son paroxysme sous Louis XIV, obligeant le Roi Soleil à se rendre sur place et à occuper militairement la ville. Les forts Saint-Jean et Saint-Nicolas sont alors construits, plus pour maîtriser la ville que pour la protéger d'éventuels envahisseurs. Aussi, pendant une courte période durant la Révolution française : en 1793, l'affrontement entre fédéralistes et jacobins dérive vite pour devenir un combat royalistes-républicains, tandis que le général Jean-François Carteaux est envoyé par la Convention pour mater les insurgés. Lui et ses troupes s'emparent de la ville le 25 août 1793 et y installent un tribunal révolutionnaire. En guise de punition pour son insurrection, Marseille sera brièvement rebaptisée la « Ville-sans-nom », car, le 14 juillet 1795, la « Marseillaise » est officiellement adoptée comme chant national. Et aujourd'hui, après plus de deux millénaires... À lire aussi : Origine des vins de la région marseillaiseSelon un historien romain, Pompeius Trogus qui a été en mesure de consulter les plus anciennes annales de Marseille, ce sont les marins grecs fondateurs de Marseille vers 600 av. J-C, qui ont apporté des plants de vignes dans les cales des navires et qui ont enseigné aux peuples autochtones la technique d'émondage la vigne (en latin vitem putare). Dans la deuxième moitié du VIe siècle av. J.-C., la croissance de Marseille, favorisée par la chute de sa métropole Phocée face aux Perses, incite les Grecs à prendre possession de la plaine de l’Huveaune et à développer la culture de la vigne dont ils produiront un vin réputé dans l’Antiquité. L’essor territorial de la ville grecque se fait au détriment des populations locales, probablement refoulées dans les collines, et d’après la tradition antique, les relations entre les deux communautés, qui avaient débuté par un mariage princier, se détériorent et se caractérisent par des conflits récurrents. L’archéologie néanmoins module cette vision en montrant comment une forme d’économie de marché s’est progressivement mise en place, les Grecs échangeant leur vin contre les céréales et peut-être des esclaves. Néanmoins, la résistance d'un arrière-pays hostile a fait que la culture de la vigne est restée confinée pendant des siècles aux régions proches de la côte. C'est quand Rome a commencé la conquête du sud-est de la Gaule en 125 av. J-C, que la viticulture va se propager plus loin dans l'intérieur, mais guère au-delà des zones à climat méditerranéen - en effet, les variétés de raisins utilisés à l'époque, ne toléraient pas les climats froids.
La région provençale appuie sa puissance économique dès le Moyen-Âge sur la Vigne et le commerce du Vin. Vin de messe d'abord, ce sont Les abbayes du Thoronet, des îles de Lérins, de Saint-Pons à Nice et de Saint-Victor qui en tirent les plus importants revenus. À lire : Boissinot P. (2010). Des vignobles de Saint-Jean du Désert aux cadastres antiques de Marseille. In : Tréziny H. (éd.), Grecs et indigènes de la Catalogne à la Mer Noire. Errance, Arles, p. 147-154. Garcia D. & D. Isoardi (2010). Variations démographiques et production des céréales en Celtique méditerrannéenne : le rôle de Marseille grecque ? ln : Tréziny H. (éd.), Grecs et indigènes de la Catalogne à la Mer Noire. Errance, Arles, p. 403-424. La table des ProvençauxJean Ailhaud, santonnier à Aubagne, aujourd'hui à la retraite à Marseille - www.santons-ailhaud.com - a fait une courte synthèse de l'évolution des aliments en Provence et en particulier dans la population bas-alpine (département des Alpes de Haute-Provence) du Moyen-Âge à 1900, intitulée La Table des Bas-Alpins
La calanque avant les Grecs...Avant de la colonisation grecque, à la période de l’âge du Bronze, la calanque du Lacydon a servi de relâche aux navires phéniciens qui ne s’y sont sans jamais installés au moins dans l’état actuel de nos connaissances. Massalia pourrait fort bien avoir été le nom de ce lieu du temps des Phéniciens, simplement un port (au sens étymologique : un abri marin pour les navires). Cette présence phénicienne est attestée par le fameux « tarif de Marseille » (ci-contre) : il s’agit d’un tarif sacrificiel, un document épigraphique issu de la civilisation carthaginoise. Deux exemplaires sont connus : l’un provenant du temple de Baal Saphon à Carthage, et l’autre un exemplaire mieux conservé a été trouvé en 1844 dans le quartier du Panier (Marseille) près de l’emplacement du temple de Diane (Renan, 1881 ; Lipinski, 1995). Un « autel de Baal » a été attribué aux Phéniciens par l’historien Jean Baptiste Grosson (1733-1800) (ci-dessous à gauche) : il se situait dans le mur de Notre Dame de la Garde et servant autrefois de bénitier à l’entrée de la chapelle. Il est aujourd’hui dans le Musée de l’Histoire de Marseille : le même photographié et dessiné par Clerc (1916) (ci-dessous à droite). En fait, il s’agirait d’un bénitier ou fonds baptismaux du Moyen-Âge. À lire : Bargès J. J. L. (1868). Inscription phénicienne de Marseille Nouvelles observations historique de la découverte et description exacte de la pierre, et tout accompagné de pièces justificatives et d'une planche lithographique. Goupy, Paris, 59 p. Clerc M. (1916). Monument marseillais prétendu antique. Revue des Études Anciennes, 18 (1), p. 55-56. Constans L.-A. (1922). À propos de l'inscription phénicienne de Marseille. Revue des Études Anciennes,24 (4), p. 335. Renan E. (1881). Corpus Inscriptionum Semiticarum, tome I. Inscriptiones phenicias. 215 p. Lipinski E. (1995). Tarifs sacrificiels. In : Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique. Studia Phoenicia, 14, p. 439-440 (536 p.).
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